
Le 18e paquet de sanctions de l’UE contre la Russie : renforcement du régime et nouvelles obligations pour les opérateurs économiques
Date : 18 août 2025
Léa Ratel Bertrand Rager
Le 31 juillet 2025, le Conseil de l’Union européenne a adopté le 18? paquet de sanctions à l’encontre de la Russie, dans le cadre de la réponse continue à l’agression militaire contre l’Ukraine. Ce nouveau train de mesures traduit une volonté accrue de l’Union d’assécher les sources de financement du Kremlin, de cibler les circuits de contournement, et d’imposer des obligations de vigilance renforcées aux opérateurs européens et internationaux.
Texte officiel : Journal officiel de l’UE (à venir)
- Principaux objectifs du 18e paquet
Les mesures adoptées s’articulent autour de cinq piliers stratégiques :
- Réduction des revenus énergétiques russes
- Renforcement de l’isolement du système bancaire russe
- Ciblage des chaînes logistiques militaires russes et biélorusses
- Lutte contre les mécanismes de contournement (pays tiers, crypto-actifs)
- Mécanismes de responsabilisation en matière de droit international (déportation d’enfants, atteintes culturelles)
- Mesures énergétiques : encadrement renforcé du secteur pétrolier
Le paquet introduit plusieurs mesures d’encadrement strict du commerce de produits énergétiques :
- Réduction du prix plafond du brut russe : de 60 à 47,6 USD/baril, avec ajustement automatique à 15 % sous le prix moyen du brut « Urals » des six mois précédents.
- Interdiction de toute transaction liée aux gazoducs Nord Stream 1 et 2.
- Extension de l’interdiction d’importation aux produits raffinés issus de brut russe, même en cas de transformation hors Russie.
- Sanctions à l’encontre de la “shadow fleet” : 105 nouveaux navires inscrits sur liste noire, soit 444 navires au total, assortis de mesures d’interdiction d’accès aux ports et de restrictions de services logistiques.
- Renforcement des mesures financières
Le volet financier du paquet est significatif :
- Interdiction totale de transaction avec 45 banques russes, incluant l’interdiction de fournir des services de messagerie spécialisée (ex : SWIFT).
- Extension aux acteurs financiers tiers (notamment crypto-actifs) impliqués dans le contournement des sanctions ou en lien avec le système de messagerie russe.
- Sanction du Russian Direct Investment Fund (RDIF) : interdiction d’opérations avec ses filiales, participations et intermédiaires.
- Interdiction de fournir certains logiciels bancaires à la Fédération de Russie ou à des entités publiques.
- Mesures commerciales et anti-contournement
- Ajout de 26 nouvelles entités (15 russes, 11 dans des pays tiers – Turquie, Chine, Hong Kong) pour leur implication dans l’industrie militaire ou des pratiques de contournement.
- Extension des interdictions d’exportation : ajout de produits critiques pour l’énergie et la construction.
- Dispositif “catch-all” ciblé : autorise les États membres à bloquer des exportations à destination de pays tiers en cas de suspicion de réexportation vers la Russie.
Référence utile : Règlement (UE) n° 833/2014 – Régime de sanctions contre la Russie (consolidé)
- Responsabilisation et contentieux ISDS (Investor-State Dispute Settlement)
Le paquet introduit des mesures préventives contre les contentieux d’arbitrage lancés par des personnes sanctionnées au titre de traités bilatéraux d’investissement (ISDS), permettant aux États membres de :
- Refuser l’indemnisation d’investisseurs sanctionnés ;
- Recouvrer les dommages causés par des litiges abusifs fondés sur les effets des sanctions.
- Extension du régime à la Biélorussie
De nouvelles mesures sont parallèlement adoptées contre la Biélorussie, notamment :
- Interdiction d’acquisition d’armes ;
- Extension de l’interdiction de messagerie bancaire à une interdiction générale de transaction ;
- Ajout d’entités industrielles liées au complexe militaro-industriel russe.
Les entreprises exposées à des flux internationaux ou à des chaînes d’approvisionnement complexes doivent :
- Revoir leur cartographie des risques pays/clients ;
- Contrôler rigoureusement les relations avec les tiers situés en Turquie, Chine, Émirats arabes unis ou Inde (zones de contournement identifiées) ;
- Appliquer des procédures de due diligence renforcées, y compris sur les crypto-actifs et les relations indirectes ;
- Mettre à jour leurs clauses contractuelles de conformité aux sanctions.
Sources utiles :